Quand j’aurais, en naissant, reçu de Calliope
Les dons qu’à ses Amants cette Muse a promis,
Je les consacrerais aux mensonges d’Ésope :
Le mensonge et les vers de tout temps sont amis.
Mais je ne me crois pas si chéri du Parnasse,
Que de savoir orner toutes ces fictions :
Deux Pigeons s’aimaient d’amour tendre :
L’un d’eux, s’ennuyant au logis,
Fut assez fou pour entreprendre
Un voyage en lointain pays.
L’autre lui dit : « Qu’allez-vous faire ?
Voulez-vous quitter votre frère ?
L’absence est le plus grand des maux :
Que le bon soit toujours camarade du beau,
Dès demain je chercherai femme ;
Mais comme le divorce entre eux n’est pas nouveau,
Et que peu de beaux corps, hôtes d’une belle âme,
Assemblent l’un et l’autre point,
Ne trouvez pas mauvais que je ne cherche point.
J’ai vu beaucoup d’hymens ; aucuns d’eux ne me tentent :
« Qu’ai-je fait pour me voir ainsi
Mutilé par mon propre Maître ?
Le bel état où me voici !
Devant les autres chiens oserai-je paraître ?
Ô rois des animaux, ou plutôt leurs tyrans,
Toute puissance est faible, à moins que d’être unie.
Écoutez là-dessus l’esclave de Phrygie.
Si j’ajoute du mien à son invention,
C’est pour peindre nos mœurs, et non point par envie ;